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3 septembre 2013 2 03 /09 /septembre /2013 20:14

Un an après la première, aux Etats-Unis, et en 2000 en France, paraît l’histoire suivante de Sallis, toujours avec Lew Griffin en narrateur et personnage principal, Papillon de nuit (Moth). Papillons de nuit dont il est dit en exergue qu’ils s’assoient sur le rebord du monde en attendant, une citation de James Wright.

Alors qu’il a tourné la page des années évoquées dans le précédent roman, Lew Griffin est rattrapé par son passé. Il est écrivain et professeur et ne fait plus le détective que quand il y a une bonne raison. Et la bonne raison est là. Une nouvelle disparition, à nouveau celle d’une femme. La Verne, sa compagne des années Papillon de nuit (Gallimard, 1993)difficiles, vient de mourir et elle se demandait durant ses derniers jours ce qu’il était advenu de sa fille, Alouette. Fille qu’elle a eue lors de son mariage avec un médecin…

Nous retrouvons Griffin alors qu’il veille un nouveau-né, grand prématuré, le bébé Mc Tell. Le bébé qu’Alouette vient de mettre au monde. Nous parcourons le fil de l’histoire au gré de la narration de Griffin. Le temps avance, recule, s’attarde. Ce temps qui était déjà l’un des éléments principaux de la première intrigue. Nous remontons le cours de l’histoire avant de repartir vers l’avant, avant d’avancer avec le narrateur, héro. Et de repartir en arrière quand les souvenirs surgissent. C’est que Griffin nous confirme que le temps est un élément important de la fiction, qu’une fiction se construit sur lui. Il nous fait part d’autres confidences littéraires, autour de Queneau (traduit par Sallis) ou encore Camus, notamment…

Au gré de l’intrigue, nous croisons ceux qui ont connu La Verne lors des dernières années, alors qu’elle était partie une fois de plus loin de Lew. C’est son veuf qui s’adresse à lui pour qu’il parte à la recherche de cette fille qu’elle n’a que trop peu connue. Il y aura aussi Richard Garces, collègue de La Verne, et, toujours, Don Walsh. Clare, collègue, amie, et plus… D’autres personnages ponctuent le chemin du détective, Camaro, Travis, Teresa…

Cette enquête est l’occasion pour Griffin de se retourner sur ses souvenirs, sur ce passé que l’on ne peut oublier, dont il serait présomptueux d’imaginer qu’il peut être effacé. C’est ce passé qui l’a amené là où il est désormais. D’autres petites affaires jalonnent le parcours. Un parcours pour faire le deuil, un parcours semé de nouvelles douleurs, de nouvelles peines et de quelques bagarres.

Le style de James Sallis est remarquable. Prenant, savoureux. Un style qui pointe avec une rare acuité, une rare précision, les sentiments. Un style particulièrement touchant. Un style qui nous fait toucher du doigt la difficulté d’exister, qui nous rend palpable avec élégance les errements de tout être humain pour avancer, supporter, porter le doute qui nous ronge tous. Sallis est un écrivain majeur, grand styliste, dont la traduction d’Elisabeth Guinsbourg, revue par Stéphanie Estournet, permet de préserver toute la saveur. Et ça ne doit pas être une mince affaire.

Ces deux premiers romans de Sallis touchent, émeuvent. Et nous exposent cette force qui nous pousse inexorablement, ce destin que nous nous forgeons presque malgré nous.

 

Nous nous trahissons nous-mêmes pour pouvoir persister sur notre chemin ; mais nous avons aussi le pouvoir de choisir la forme de notre trahison.

 

 

C’est en 1996 que paraît l’opus suivant de l’écrivain, outre-Atlantique, en 2001 en France. Il s’intitule Le frelon noir (Black Hornet) et constitue un retour vers le passé pour le détective… pas encore tout à fait détective.

Le temps est un des personnages de Sallis, on le sait, et il conserve son importance dans ce troisième roman. C’est un plaisir de se laisser balloter au gré des souvenirs de Griffin. Un plaisir de lire la prose de son auteur. Un rythme si particulier qui semble si fort qu’il passe au travers de la traduction d’Elizabeth Guinsbourg revue par Stéphanie Estournet comme pour Papillon de nuit. Le duo, que je cite encore une fois parce que leur travail ne doit pas être si simple qu’il en a l’air, nous restitue le style, un rythme, presque addictif. Difficile de se défaire de l’atmosphère créée par le romancier, le plaisir éprouvé à le lire est si rare qu’il faut le souligner…Le Frelon noir (Gallimard, 1996)

Une série de meurtre a lieu à La Nouvelle Orléans. Alors que, un peu partout dans le pays, la lutte contre la ségrégation tourne à l’affrontement parfois violent, un tireur tue les blancs depuis les toits de la ville. Et Lew croise le chemin du tireur ; en effet, une balle tue nette celle qui venait de passer la soirée avec lui… L’affaire devient alors le centre des préoccupations de Griffin. Mais il laisse venir à lui les informations, les personnes impliquées. Il les laisse venir mais parfois, quand même, il se fend d’une action… Parfois violente.

On rencontre ainsi LaVerne, on assiste à la première rencontre entre Don Walsh et notre détective et à l’arrivée dans la vie du futur écrivain et professeur d’un roman dont il parlera ensuite abondamment, L’étranger. Griffin croise également pour la première fois Corene Davis, elle fera l’objet d’une des enquêtes dont il parle dans Le faucheux. Enfin, un autre personnage apparait de nouveau, nous l’avions rencontré dans Papillon de nuit, il s’agit de Doo-Wop, le colporteur d’histoire, celui qui fait le lien entre des personnes ne se rencontrant pas, celui qui perpétue une certaine tradition orale.

Le temps garde toujours la même importance, nous assistons à l’écriture du passé de Griffin en connaissant son présent. Nous assistons à la réécriture du passé à l’aune du présent, à ce que le présent peut avoir comme influence sur le passé et peut le transformer… C’est d’une grande richesse. Comme beaucoup des réflexions du détective, écrivain, enseignant.

 

Il nous faut un moment pour nous rendre compte que nos vies n’ont pas de fil conducteur. Nous commençons par nous voir comme les héros, en Levi’s ou en pyjama, d’une lutte désespérée entre la lumière et l’obscurité, insensibles à la pesanteur à laquelle nous sommes tous assujettis. Plus tard, nous nous représentons des scènes dans lesquelles les événements mondiaux décrivent des cercles autour de nous comme des lunes – comme les papillons de nuit autour des lumières de nos vérandas. Puis, péniblement, nous commençons à comprendre que le monde se fiche éperdument de notre existence. Nous sommes les choses qui nous arrivent, les gens que nous avons connus, rien de plus.

 

Comme il nous avait parlé de son lien avec Camus et son œuvre, Griffin nous raconte une autre rencontre importante. Pour lui comme pour son auteur. La rencontre avec Chester Himes. Ecrivain dont Griffin est presque un avatar imaginé par James Sallis…

En résumé, Sallis est un grand écrivain, ne passez pas à côté de ses bouquins, vous manqueriez quelque chose…

 

Après trois opus de la série, James Sallis va s’aérer un peu, quitter Lew Griffin le temps d’un livre, La mort aura tes yeux.

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27 août 2013 2 27 /08 /août /2013 22:06

En 1992, James Sallis publie son deuxième roman. Aux Etats-Unis. En France, ce premier roman traduit, par Jeanne Guyon et Patrick Raynal, ne nous arrivera qu’en 1998… ce qui, au final, ne fait pas forcément si long que ça, comme attente. Il s’intitule Le faucheux (The long-legged fly) et nous raconte quatre enquêtes de Lew Griffin. Quatre enquêtes qui ont jalonné son existence, de 1964 à 1990, des débuts difficiles à un statut d’écrivain qui, malgré tout, ne peut gommer le passé… On ne se refait pas.

Griffin arpente les années de ses longues jambes, à l’image de l’insecte du titre (ainsi que Sallis l’évoque dans son roman suivant).

Le Faucheux (Gallimard, 1992)Nous sommes à la Nouvelle Orléans et le chapitre d’ouverture nous plonge résolument dans le roman noir. Une scène violente, sans explication. Une scène qui nous présente Lew Griffin de manière radicale. Une scène qui se suffit à elle-même et nous permet, ensuite, d’en imaginer bien d’autres sans qu’elles soient décrites. Griffin y règle son compte à Harry, pour ce qu’il a fait subir à Angie… Ne me demandez pas de vous en dire plus.

Après ce chapitre d’ouverture, nous suivons Griffin au long de quatre enquêtes. Quatre disparitions. En 1964, 1970, 1984 et 1990. La première disparition est celle de Corene Davis. Une militante pour le droit des noirs. Ce sont deux membres d’une organisation, la “main noire”, qui s’adressent à Lew Griffin pour qu’il la retrouve. Elle a disparu entre New York et la Nouvelle Orléans alors qu’elle venait participer à un meeting à la demande de cette fameuse organisation. L’enquête n’est pas simple, comment disparait-on d’un avion sans escale entre New York et New Orleans ? Griffin arpente les rues de sa ville en même temps qu’il assiste de loin à la lente agonie de son père. Entre les télégrammes de sa mère et sa relation plutôt compliquée avec LaVerne, nous le suivons à la recherche de Corene Davis. Comme le premier chapitre, cette première enquête donne le ton. Griffin est un privé noir à qui ses “frères” s’adressent… Un privé qui se débat avec ses propres doutes, son dégoût quand il assiste au sort que l’homme réserve à ses semblables. Un privé qui carbure à l’alcool pour se maintenir…

La deuxième disparition est celle d’une jeune fille, Cordelia Grayson, dont les parents pensent qu’elle est venue à la Nouvelle Orléans parce que c’est une ville dont elle parlait tout le temps. Il n’y a pourtant rien d’idyllique dans la Nouvelle Orléans de Griffin. Avec l’aide de Don Walsh, l’inspecteur, et de LaVerne, sa maîtresse call-girl, Griffin s’enfonce dans un milieu sordide, une certaine tendance du cinéma. Illégale.

En 1984, Lew Griffin est au plus bas… Cure de désintoxication et dépression sont au programme. Ceux qui l’entourent restent attentifs, Walsh, LaVerne et, plus surprenant, William Sansom qu’il a connu autrefois sous le nom d’Abdullah Abded, l’un des deux frères de la “main noire”. Il remonte la pente, devient recouvreur d’impayé et part à la recherche de la sœur disparue d’un homme, Jimmi Smith, qu’il a rencontré dans le foyer de Sansom. Il rencontre Vicky, infirmière anglaise, emménage avec elle… De nouveau, il plonge dans la fange en cherchant à en sortir une fille égarée tout en s’installant avec une autre. Contraste…

Quatre ans plus tard, alors qu’il est devenu écrivain, qu’il vit avec LaVerne, Lew se met à la recherche de ce fils qu’il a très peu vu lorsqu’il était enfant, avec lequel il a renoué récemment…

Ces quatre enquêtes nous décrivent une réalité, un monde qui est le nôtre, une société qui écrase. Nous suivons en même temps le détective qui peine à accepter cette société, justement, qui peine à s’y adapter. Et tout cela sous la plume d’un écrivain de grand talent. Un écrivain qui suggère, qui connait le poids de certains mots ou qui sait leur rendre leur importance. Un écrivain qui évoque et nous touche… Un écrivain dont on se dit qu’il ne faudra pas en rester là avec lui. Un écrivain qui pousse aussi à en lire d’autres comme Black no more de George S. Schuyler, abondamment cité au long des pages.

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25 août 2013 7 25 /08 /août /2013 11:01

James Sallis est l’un de ces auteurs dont beaucoup parlent, qui semble une évidence pour ceux qui l’ont lu mais dont on ne débat pas énormément.

Un nom que j’avais croisé ici ou là sur la toile, en me disant qu’il serait sûrement intéressant à lire. Mais il y en tellement d’autres que j’avais, comme souvent, différé mon entrée dans son univers.

Et puis, il y a eu le film de Nicolas Winding Refn avec Ryan Gosling. Film que beaucoup ont encensé. Que beaucoup ont tellement aimé qu’ils ont dit qu’il devait aussi énormément au roman dont il était adapté. Pas sûr que tous ceux qui ont tenté de nous en persuader connaissaient réellement l’écrivain avant de voir son nom au générique du long métrage… Pour d’autres ce fut sans aucun doute le moment de dire, de réaffirmer, leur goût pour le romancier. Ce fut en tout cas, pour moi, comme avec Manchette auparavant, le petit déclic qu’il manquait pour aller vers les bouquins du monsieur. Je me suis dit que plutôt que de commencer par le roman Drive, pourquoi ne pas prendre les œuvres dans l’ordre. Les œuvres traduites, bien sûr, le premier roman de l’auteur, Renderings, roman d’avant-garde, ainsi qu’il est présenté sur le site de l’auteur, restant chez nous inconnu.

 

James Sallis est donc né en décembre 1944 à Helena dans l’Arkansas, juste au-dessus de la Louisiane et sa Nouvelle-Orléans, où il étudiera. Sallis a voyagé, bougé, avant de s’établir en Arizona.

Malgré sa bougeotte, il reste assez facile à dénicher par ici, ses romans faisant l’objet d’éditions récentes. J’ai donc pu m’y adonner sans problème.

 

Outre l’adaptation de son roman, le dossier du Vent Sombre, déjà évoqué précédemment, a conforté mon intérêt pour l’œuvre de cet écrivain. L’introduction au cycle de Lew Griffin par Philippe Cottet (je n’ai pas lu les analyses des bouquins pour éviter de me laisser influencer dans mes chroniques) m’a permis de confirmer que l’intérêt que je percevais à la lecture de James Sallis ne reposait pas uniquement sur mon imagination, qu’il pouvait en concerner d’autres… même si, si ça avait été le cas, j’en aurais de toute façon parlé. Après tout, l’intérêt que l’on porte à une lecture, un auteur, est aussi fonction de notre personnalité de lecteur…

Il est temps à présent de parler des romans de James Salis, un écrivain important de mon point de vue, marquant. J’espère que mes petites chroniques de lecture, au long de sa bibliographie, vous en convaincront.

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21 août 2013 3 21 /08 /août /2013 20:11
James Sallis est un auteur ayant une certaine renommée. Mais il n’est pas pour autant omniprésent sur Internet. En dehors des sites spécialisés et de la fameuse encyclopédie collaborative en ligne, sa présence est surtout commerciale et liée à l’adaptation de Drive au cinéma par Nicolas Winding Refn.
 
Il apparaît toutefois suffisamment pour nous permettre un petit tour d’horizon.
Pour faire connaissance avec l’écrivain, Macha Séry a écrit un article pour le Monde (le journal) à l’occasion de sa venue au festival “Etonnants Voyageurs”. Elle y retrace son parcours, littéraire et géographique. Pour compléter et approcher ses œuvres, Rue des livres passe en revue sa bibliographie, un aperçu rapide.
Pour bien le connaître, et lire quelques critiques de ses romans, les sites ne sont pas pléthores, ceux qui font référence s’y attellent. Il y a tout d’abord Pol’Art Noir et une biographie qui propose des liens vers la critique de deux de ses romans. Il y a ensuite k-libre qui au travers également d’une biographie, offre un accès vers des articles du site mais cite également des références extérieures, notamment vers certains numéros de La vache qui lit, créée par le regretté Serge Vacher.
Si vous voulez entendre et voir l’auteur, une table ronde organisée lors du dernier festival “Etonnants voyageurs”, animée par Michel Abescat et Maëtte Chantrel est visible en ligne. Il apparaît aux alentours de la trentième minute.
Enfin, j’en ai gardé un peu, et pas des moins intéressants, James Sallis a un site officiel, The James Sallis Web Pages. Et il a eu les faveurs de l’excellent site Le vent sombre pour une analyse de son personnage Lew Griffin. Une analyse approfondie de la série, incontournable.
 
Mes impressions de lectures ne tarderont pas après que je me sois penché sur ma rencontre avec les œuvres de l’écrivain.
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