En 2005, paraît Drive de James Sallis. Un roman fort, prenant. Un roman dans la lignée de ce que l’auteur nous avait proposé jusque là, un roman que l’on pourrait qualifier de magistral. Ou de chef d’œuvre si on se laissait aller. Un roman, en tout cas, à la hauteur de l’œuvre du romancier. Après la “série noire”, une autre collection prestigieuse s’empare d’un des romans de Sallis, “Rivages / Noir”, laissant à Isabelle Maillet le soin de la traduction.
C’est une histoire difficile à résumer. Difficile parce que non linéaire.
Tout commence dans un motel. Une scène, figée, nous est décrite. Trois cadavres et un personnage abîmé gisent. Tout commence dans ce motel, sans réellement y commencer. Pour en arriver là, il aura fallu une succession d’événements que le roman égraine. Dans le désordre.
Il les égraine en chapitres courts, dans une prose concise, ciselée. Il les égraine et revient à la scène initiale quand nous en savons plus, quand nous pouvons la comprendre différemment. Intéressant pour le lecteur de lire les mêmes lignes et de les percevoir autrement, la force de la première lecture fait place à un besoin de comprendre…
Le personnage principal, simplement appelé le Chauffeur, est un enfant placé devenu adulte, parti conquérir son monde au volant d’un automobile. Car il est doué pour être derrière un volant, pour regarder sous un capot. Il est doué pour les cascades puis pour convoyer les voleurs, braqueurs.
Le passé du Chauffeur se mêle à son présent, venant l’éclairer, revenant à la charge, et nous ne savons pas à chaque fois quand nous sommes. Une des interrogations de prédilection de Sallis. Le temps n’étant qu’une illusion, il en joue pour nous offrir cette histoire marquante où le Chauffeur semble suivre son instinct, lui obéir sans réfléchir. Où le Chauffeur visite aussi les lieux de son passé, de la même manière qu’il le fait pour les faits.
Tout cela nous embarque, nous emmène dans une histoire prenante, dont nous ne perdons jamais le fil. Une histoire où il est question de grâce comme pour le roman précédent. Une histoire qui nous amène à douter… A percevoir les événements sous un angle différent. Même si la narration se fait à la troisième personne pour la première fois chez Sallis, l’empathie est toujours présente. Et l’existence apparaît ainsi que le Chauffeur la perçoit.
“Il comprenait trop bien que la vie était par définition trouble, mouvement, agitation.”
Une vie dans laquelle le choix se fait difficilement une place, une vie qu’il s’agit d’accepter.
“On ne demande rien, en général, mais ça nous tombe dessus quand même. Après, ce qui compte, c’est ce qu’on en fait.”
Comme je l’ai dit c’est un livre d’une grande qualité, prenant. Un livre que James Sallis ne peut renier tant il ne semble exister que parce que les précédents lui ont ouvert la voie.
Une nouvelle tendance se confirme, une tendance qui n’était pas explicite dans la série autour de Lew Griffin, cette notion de grâce et de paix intérieure qui paraît être le but de tous.
C’est un livre prenant qui nous amène jusqu’à une rencontre finale particulièrement réussie.
Avant de revenir vers son Chauffeur, Sallis a poursuivi sa trilogie sur John Turner et commit un one-shot.