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13 mars 2013 3 13 /03 /mars /2013 14:06

Paul Colize nous revient avec un nouveau roman. Intitulé Un long moment de silence, il est publié, comme le précédent, par La Manufacture des Livres.

Ce roman arrive un an après  Back Up, le dernier ouvrage de l’écrivain, qui a rencontré un succès tant critique que public… On peut imaginer qu’il n’est pas évident d’envisager un roman après celui-là. Mais, pas besoin d’imaginer, il faut lire pour se rassurer, Colize ne s’est pas dissous dans le succès. Il ne s’est pas édulcoré, bien au contraire, cette reconnaissance semble l’avoir encouragé à aller plus loin, à nous offrir un roman encore plus exigeant. Plus dérangeant. Plus personnel.

Après avoir exploré le trafique de tableaux, les années soixante et leur musique, un fait divers, le romancier avance encore, il se coltine à un sujet plus délicat. Il l’affronte et le mêle à un autre tout aussi difficile.

C’est un roman fort, âpre, que ce long moment de silence. Un roman dérangeant.

 

Le personnage principal, celui qui est le moteur de l’intrigue, la raison d’être de l’histoire, est un cousin d’Antoine Lagarde. Un double de l’écrivain. Pas un double fidèle, mais un avatar, un personnage qu’il pourrait être si… Stanislas Un long moment de silence (La manufacture des livres, 2013)Kervyn est l’auteur d’un livre qui explore un attentat commis en 1954 au Caire. Un attentat connu sous le nom de “la tuerie du Caire”. Un attentat dont son père a été l’une des victimes.

Kervyn subit, dans les premières pages, les questions d’un journaliste lors d’une émission télévisée. Il les subit, encouragé en coulisse par son éditeur, Pierre… Toute ressemblance avec une certaine réalité n’est sans doute pas fortuite. Il subit cette émission qui va relancer sa recherche, la remettre en question. Un appel anonyme déclenche ce nouvel élan d’une enquête dans laquelle Kervyn s’est investi depuis des années. Un bouleversement. Kervyn en était arrivé à la conclusion que cette tuerie avait pour cible l’une des victimes mais l’identité de cette victime lui avait échappé.

Ce personnage principal est un chef d’entreprise, une entreprise de hackeurs qu’il dirige tyranniquement, le seul vrai management selon lui. Kervyn est plutôt antipathique, refusant tout affect, tout sentiment. Odieux la plupart du temps, en butte contre tous… Abîmé.

La perte d’un père, la recherche du pourquoi de sa disparition, nous sommes en terrain connu. Ce thème revient régulièrement dans l’œuvre de Colize et confirme la parenté entre Lagarde et Kervyn. Là où Lagarde exerçait une profession proche de celle de l’auteur, Kervyn pratique l’écriture…

 

En parallèle de cette quête de Kervyn, de nos jours, une autre histoire s’imbrique. Une construction qui rappelle celle du Baiser de l’ombre ou encore de Back up.

L’autre histoire court sur le vingtième siècle et plus particulièrement sur sa deuxième moitié, celle de l’après-guerre, de l’après solution finale. Période qui tente de se relever de ce crime effroyable. Cette autre histoire explore les conséquences sur les victimes et nous interroge sur la notion de mal. Il l’explore au travers de la trajectoire de Nathan Katz. Un sentiment de malaise règne dans ces pages. Pour répondre au mal organisé, programmé, une autre organisation se met en place. Une organisation radicale qui poursuit les nazis ayant échappés à la justice, ayant réussi à fuir les procès, et qui se cachent. Une organisation qui les pourchasse et exerce sa propre justice. Radicale. Comme dans d’autres livres de Colize, Le valet de cœur notamment, la notion de vengeance est interrogée. Et l’on n’est pas à l’aise dans son fauteuil en lisant ces pages, en accompagnant cette organisation de tueurs, pas à l’aise dans ses certitudes, questionnant une nouvelle fois nos convictions les plus profondes… Et si ça nous était arrivé ?

Comme le dit Jorge Viñuales, cité par l’auteur : “Au-delà de ce qui peut être pardonné par l’homme, s’étendent les plaines du mal radical, mal qui dépasse aussi tout châtiment humain. […] Que faire alors ? Peut-on envisager de punir ou de pardonner la volonté qui incarne le mal radical ? Peut-on véritablement rendre justice ?

Colize ne nous facilite pas la tâche. Il y a une exigence, il faut s’impliquer, s’interroger, il ne faut pas attendre de lui des réponses toutes faites, rassurantes.

 

Le style de l’écrivain est toujours là, précis. Ironique. La peinture, les voyages, ponctuent toujours l’action.

Les deux histoires imbriquées dans la construction vont bien sûr se révéler liées. Et, au travers de la perte du père, de la recherche du pourquoi de sa disparition, se dessine le portrait d’une mère… Une mère et les événements qui ont forgé son destin.

C’est un roman fort car intime. Un roman qui ménage son suspens mais qui, de mon point de vue, n’est pas le thriller annoncé sur la couverture, il s’agirait plutôt, de nouveau, d’un roman noir. Noir comme l’histoire qui donne sa couleur à notre société.

Paul Colize nous offre une histoire où il s’implique, il se livre, tout en nous forçant à un effort… Un roman exigeant. Troublant et, en définitive, marquant. Un roman qui provoquera des réactions, un roman tout sauf tiède.

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