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19 février 2012 7 19 /02 /février /2012 14:13

En 2000 paraît Cartago.

Un roman qui marque un virage dans l’œuvre de l’écrivain sans toutefois déparer du reste. C’est un roman rondement mené, un quasi-thriller, tout comme avaient pu l’être auparavant Barjot ! ou Six-Pack. C’est un roman qui frôle certains fantasmes propres au polar ou aux genres voisins, après le grand banditisme et les tueurs à gage de Canine et Gunn, le tueur en série de Six-Pack (encore), voici maintenant les services spéciaux, ces officines d’Etat qui ont des droits et un manque de scrupules pour mener à bien leur mission que le commun des mortels n’a pas. Ou ne peut se Cartago (2000)permettre.

En l’occurrence, l’officine est chargée de la protection du chef de l’Etat. Et l’histoire démarre au lendemain d’un attentat manqué contre celui-ci… Une nouvelle unité est créée pour suppléer à la précédente, indépendante de l’officine en question et directement assujettie à l’Elysée. La nouvelle unité va, cette fois lui être directement rattachée et un de ses agents, Phalène, en fera partie… Oppel joue avec les sigles puisque la CAT et opposé à la DOG. Entre autres.

Nous sommes en pleine politique fiction et, sous couvert du genre, l’écrivain joue avec les conventions, les passages quasiment obligés… Phalène, agent infiltré par la DOG dans le Groupe, va étroitement côtoyer le président, intégrer sa protection la plus rapprochée. Mais Phalène n’est pas qu’une garde-du-corps, elle se pose des questions sur les raisons qui ont poussé une organisation à payer pour tuer un président déjà mal en point, presque mourant. Nous sommes en 1994 et la succession est lancée, alors, pourquoi s’intéresser encore à celui qui ne représentera plus rien, en tout cas plus l’Etat, d’ici quelques mois…

Oppel joue avec les codes pour nous offrir une nouvelle fois un roman rythmé, un roman accrocheur, un roman loin d’être juste une politique-fiction… Ou alors, rappelant celles des années 70 au cinéma, celles d’Alan J. Pakula notamment. C’est un récit qui se veut neutre, respectant, je le répète, certains codes en vigueur. Oppel est un écrivain cherchant à s’inscrire dans les différents genres qui voisinent avec ou font le polar, il sait mener une intrigue et nous offre avec Cartago un roman tendu, un suspens prenant, s’élevant vers une apothéose finale qui restera légèrement extérieure au livre…

 

Deux ans plus tard, Jean-Hugues Oppel poursuit son exploration de la politique et de ses à-côtés. C’est Chaton : trilogie. Une trilogie en un seul roman.

Après la politique-fiction vue du côté des officines d’Etat, nous voici devant les liens entre politiques et banditisme. Sous toutes ses formes. Un homme, Chaton, est animé d’un esprit de vengeance carabiné. Un esprit de vengeance meurtrier. Une femme, commissaire de son état, sent l’histoire beaucoup plus compliquée qu’un simple règlement de compte quand elle débarque sur les lieux d’une tuerie particulièrement efficace et sauvage.

Après la politique-fiction menée à la manière d’un thriller, d’un roman d’espionnage, nous sommes de retour du côté du polar, avec une intrigue en forme d’enquête et de traque. Pas si loin de Six-Pack ou Ténèbres, pas loin non plus du roman d’Amila, Sans attendre Godot… Il y a d’autres points communs entre les deux auteurs comme, par exemple, cette façon de mener l’histoire, de faire monter la tension jusqu’à un final en apothéose… Apothéose plutôt négative bien souvent.

Avec ce roman, Oppel s’attaque à un genre, sans toutefois complètement abandonner ses vertes Chaton trilogie (2002)prairies. Qui auraient plus à voir avec de sombres ravins, des côtés plutôt nauséabonds de l’âme humaine. Car, à mon avis, ce qui intéresse J-H Oppel est davantage à chercher du côté de l’Homme, dans toute sa grandeur et surtout sa petitesse, que dans la société. Ce qui l’intéresse sûrement plus est de voir, d’examiner, comment l’homme a pu pervertir le groupe dans lequel il vit, la société qui en est née. Et, avec Chaton : trilogie, on est servi.
On assiste à un règlement de compte. Un règlement de compte qui touche la surface, le visible de la société. Un événement qui dépasse et fait désordre. Un événement qui dérange, qui gêne particulièrement aux entournures ceux qui tirent les ficelles, détiennent certains pouvoirs occultes, ou que l’on ne veut pas mettre trop sur le devant de la scène. On assiste à ce point de rencontre entre ce qui veut rester caché, dans l’ombre, et cette bonne République à laquelle le citoyen lambda est confronté.

Les personnages de Chaton, l’homme en rupture de ban, et de la commissaire de police, sonnent juste, nous mènent dans cette histoire de manière convaincante. On a envie de suivre leur vie, de suivre leurs réflexions, leurs états d’âme. Envie de savoir ce qui leur arrive, de savoir comment ils vont y arriver.

Ce n’est pas un roman qui dénonce à mort, juste un roman qui parle de choses que tout-un-chacun soupçonne, pour peu qu’il ne soit pas dénué de cette paranoïa qui nous habite tous plus ou moins.

Et cette femme commissaire, Valérie Valencia, n’est pas sans nous rappeler les flics croisés précédemment dans l’œuvre de l’auteur. Elle n’est pas sans rappeler les personnages principaux de tous ses livres, des êtres solitaires, sans attaches ou les ayant rompues… Et prêts à tout pour connaître la vérité.

 

En 2005 paraît le troisième volet de l’exploration politique de Jean-Hugues Oppel. French Tabloïds, de part son titre et de l’aveu même de l’auteur en ouverture, est un hommage à Ellroy.

Avec les deux précédents romans, on pouvait le sentir venir… Après un roman proche de l’espionnage, comparé à ceux de Frédéric Forsyth en quatrième de couverture, après un autre proche d’un polar plus classique, cette fois, Oppel lorgne du côté des grands contemporains et de l’un d’entre eux en particulier.

Il revient sur l'année d'avant les élections présidentielles de 2002, égrenne les jours au rythme des morts plus ou moins célèbres qui les ont jalonné. Oppel ne se contente pas, bien sûr, d'égrenner ces disparitions mais c'est, à mon avis, un des détails qui participent à une certaine impression de froideur, les gens disparaissent, des personnalité qui ont, en leur temps, fait l'actualité ou passionné les foules et dont la mort ne nous touche que très peu. Nous sommes finalement comme les personnages du roman d'Oppel, indifférents à ce qui se passe ailleurs ; réaction humaine ?

Là où les personnages de Oppel sont différents, c'est l'indifférence qu'ils ont également pour la disparition de ceux French Tabloïds (2005)qui servent leurs intérêts, qui vont permettre de mettre en place un scénario étudié, pensé. Ils vont jusqu'à les souhaiter et parfois les provoquer. Aucun suspens, nous savons tous ce qui se passe, ce qu'il va se passer et à quoi vont aboutir toutes ces manipulations mises en place dans différents endroits, par différents protagonistes ne se connaissant même pas. Leur but est commun, l'élection de leur Champion.

Oppel nous propose une explication à des événements que nous avons vécus, que nous avons subi... Il nous donne sa vision des choses, sa vision des coulisses et c'est effectivement effrayant. Car sans jouer sur le sensationnel, il nous expose une explication tellement réaliste que nous n'avons malheureusement aucun mal à y croire.

Cette élection, comme toutes les élections, fut un combat où tous les coups étaient permis, pour peu qu'on leur donne un tour acceptable. Oppel nous raconte l'histoire du côté des vainqueurs, c'est toujours de ce côté-là qu'elle s'écrit, et on a de grandes difficultés à la trouver belle cette histoire. Mais qu'en diront les générations futures ?

Jean-Hugues Oppel nous offre avec ce roman plus qu'un roman, un témoignage, presque un document bien qu'il donne la part belle à la fiction.

Dans la forme, le roman se présente comme une alternance de textes, de unes de journaux ou d’extraits d’autres documents, il use de phrases courtes, simples. Dans le fond, il s’agit de la réécriture d’une page récente de notre histoire politique… Comment a été mené à bien le passage au deuxième tour de l’élection présidentiel d’un candidat d’extrême-droite. C’est un roman qui fait certainement énormément appel à l’imagination de son auteur, à son interprétation, ses fantasmes, mais qui est également sérieusement inspiré d’un fait authentique ayant marqué l’actualité récente.

Oppel nous offre une vision paranoïaque d’un événement, tout comme l’écrivain auquel ce roman se réfère.

 

L’exploration de ce sujet, la politique et ce qui tourne autour, va se poursuivre dans l’œuvre de Jean-Hugues Oppel, avec ses deux derniers romans parus à ce jour… J’y reviens dans pas longtemps.

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